Le pédagogue du mois: Socrate
Socrate, alias le Taon, alias l'accoucheur (d'idées)
Socrate était un philosophe grec qui avait du répondant.Il avait du succès à Athènes où il passait son temps à discutailler, à faire la causette, bref à bavarder. Il faut dire que ce n'était pas de sa faute, s'il parlait sans cesse, car les Grecs avaient inventé, conçu et bâti un lieu dans leurs cités rien que pour "tchatcher", comme diraient les jeunes. Il s'agit de la célèbre Agora, dont les Romains feront un "copier-collé" par la suite (pas si bêtes les Romains. Obélix a dû se tromper à leur sujet) et qu'ils nommeront Forum. Par transposition, ce mot sert maintenant à désigner une plateforme de discussion sur internet.
L'Agora était un lieu où les Grecs pratiquaient leur sport national favori, à savoir l'art de la parole; l'art de la communication diront les plus modernes.
Le moins que l'on puisse dire est que Socrate était le champion toutes catégories de la "dispute" verbale (le mot dispute signifiait "discussion" au 12 ème siècle).
Il était tellement considéré comme le Big Boss de la parole que la pythie, une sorte de voyante extralucide, une Mme Irma de la fête forraine, ou un miroir de la belle-mère de Blanche Neige, déclara un jour que "Socrate était le plus savant des hommes".
Il n'en fallut pas plus à Socrate pour sortir de ses gonds et arpenter l'Agora à la recherche d'un bavardeur qui serait plus savant que lui. Il a même failli faire appel à 2M pour lancer un avis de recherche dans l'émission "Moukhtafoun".
Cependant, Socrate n'était pas aussi bavard que ça. En fait, il se contentait de poser des questions à ses interlocuteurs. On aurait dit l'inspecteur Harry ou Sherlock Holmes en train de "cuisiner" un suspect.
Ce qu'il cherchait à faire, c'était d'extraire (on a étudié ce mot avec les enfants aujourd'hui) l'information de l'esprit de ses interlocuteurs et non pas de jouer à Monsieur-je-sais-tout.
Ainsi passé sur le gril, l'interlocuteur commençait par faire part de ses représentations initiales, souvent fausses sur le sujet (la beauté, le lancer de javelot....) et finissait par admettre qu'il avait tort. Socrate, par le même procédé, c'est-à-dire par le questionnement, guidait son patient jusqu'à ce qu'il trouve les informations exactes ou jugées exactes à l'époque.
Ce procédé de questionnement s'appelle la "maïeutique" et est emprunté au domaine de la Gynécologie. Bien entendu, Socrate n'était pas médecin, mais il se considérait comme un accoucheur d'idées. C'est vrai que les deux métiers ont beaucoup en commun, le sang en moins. Essayez de faire accoucher vos enfants d'une idée ou d'une leçon abordée, vous verrez comme cela est difficile. A l'instar d'une vraie blouse verte (chirurgien-obstétricien) vous les sommerez d'inspirer et d'exprirer plusieurs fois, tellement leur cerveau semble se contracter.
Malheureusement, Socrate a dû rater quelques accouchements d'idées car à un moment donné, on lui fit un procès et on l'obligea à choisir entre deux sanctions: il devait soit quitter la cité et partir en exil, soit se suicider en buvant un poison.
Il est vrai que répondre aux questionnement incessants de Socrate, devait donner la migraine. Puisque l'aspirine n'avait pas encore été inventée, vous imaginez comment des personnalités, des hommes politiques ou des notables, qui pensaient détenir le savoir absolu, pouvaient se sentir mal après avoir subi les piqûres intelligentes de l'Accoucheur.
Celui qui se surnommait lui-même Le Taon ( se prononce comme "ton" ou "thon", si vous avez une critique à faire, écrivez à l'Académie Française!) choisit de se donner la mort au lieu de fuir comme un poltron.
Socrate avait inventé à son époque la méthode d'apprentissage par excellence, celle qu'utilisent maintenant les meilleurs pédagogues. Ceux-ci n'ont certainement pas inventé la poudre et essayent, tant bien que mal, de rivaliser avec l'Athénien questionneur.